La chapelle de Sainte-Foi
Daniel Gaillard
L’archéologie, l’architecture et les témoignages écrits se rapportant à cette chapelle permettent d’estimer sa période de construction autour de l’an 1000, période ou des petits villages se développaient. Elle était très certainement la chapelle de l’un deux.
Un étudiant à l’Université de Toulouse, Monsieur Arnaud Baratin, dans le cadre de son mémoire de Master 2 Etudes Médiévales publié en juillet 2015 utilise le terme de « Fondation Conquoise » pour le site de Sainte-Foi. En effet, ce chercheur a mis en évidence un lien entre notre chapelle et la fameuse abbaye de Sainte-Foy de Conques qui à l’époque rayonnait sur l’ensemble de la région.
Ensuite, on retrouve une mention de l’église de Sainte Foi dans le recueil des chartes, le Cartulaire de Mirepoix en date du 20 mai 1207 publié par Félix Pasquier en 1921.
Il ne faut pas oublier, que pendant deux siècles à partir de la première croisade contre les albigeois en 1209, contre les fameux Cathares, au gré des invasions, des batailles, des pillages, des règlements de compte, avec la mise en place de nouvelles structures administratives et politiques notre chapelle a vécu une époque de déshérence et de ruines.
En 1325, Guillaume de Lordat Seigneur de Sainte Foi crée la seigneurie de la Tour Sainte-Foi. Le site est à nouveau occupé et habité. Il semble tout à fait logique que le nouveau seigneur de Sainte-Foi qui s’installe, restaure la chapelle et la remettre en service. Nous trouvons dans la pierre, les traces visibles de cette reprise en main puisque si le chœur est typiquement roman, la nef quant à elle, a été légèrement agrandie et rebâtie, les ouvertures de façade ont été réorganisées. Evidemment la décoration intérieure a suivi.
Au cours des siècles suivants, la seigneurie de Sainte-Foi va passer de main en main au gré des mariages et des héritages, toutes les grandes familles ariégeoises, les Lordat, les Lévis, les Arnave, les Durban ont été un moment propriétaire. On retrouve également à partir du XVIe siècle et régulièrement, des factures de travaux pour la chapelle de Sainte-Foi.
Nous disposons, d’un intéressant état des lieux établi en 1730, par Jean Guitard, prêtre de la Cathédrale de Mirepoix, qui fait le tour des paroisses du secteur au moment de la succession de Monseigneur François Honoré de Manhiban, Evêque de Mirepoix. Les travaux prescrits à l’époque nous renseignent sur la situation au XVIIIe siècle.
Dans la première moitié du XIXe siècle, l’Ariège a connu un essor démographique remarquable, un pic de population avec l’essor de l’agriculture et de l’industrie. La chapelle autour des années 1835 a profité de cet essor économique et il fut procédé à d’importants travaux dont la mise en place d’un nouvel autel encore visible aujourd’hui et qui vient d’être restauré.
La période moderne a été témoin du dépeuplement dû aux guerres, et a vu le départ des populations rurales vers les villes si bien qu’en 1960 le village ne comptait plus que 10 habitants.
Heureusement, le toit de la chapelle qui était en très mauvais état a été entretenu, ce qui a permis de sauver le monument.
En 1953, le décollement des enduits de plâtre a laissé voir par endroits quelques fresques anciennes, les services de l’époque ne les avaient pas jugées récupérables.
Ces décorations constituées de plusieurs registres de fresques ont certainement été réalisées à la toute fin du XIVe siècle et au début du XVe.
Ce sont elles qui aujourd’hui viennent de faire l’objet d’une restauration soigneuse et respectueuse, vous pouvez voir autour de vous la qualité des scènes restaurées.
Le registre principal, où sont représentés les douze apôtres montre bien par sa qualité, sa coloration, la façon vivante de présenter des personnages en mouvement, que nous sommes à l’aube de la renaissance. Pour ceux qui ont visité l’église de Vals, proche de Sainte Foi, ils auront pu voir des fresques magnifiques datées du XIIe siècle qui ont été restaurées, la différence de composition est frappante.
À Vals nous avons encore, un style de représentation hiératique, systématique et codifiée, à Sainte-Foi les personnages sont en mouvement, on semble avoir affaire au chapitre des évêques en train de débattre.
Un deuxième registre, peut-être un peu plus ancien-qui n’est pas sans rappeler la thématique de l’enfer développée dans le retable de la cathédrale de Narbonne- a été découvert lors de la restauration et fait apparaître un ensemble de peintures plus simples et plus schématiques. De la droite vers la gauche, nous voyons une zone qui peut être l’enfer dans laquelle des morceaux de corps humains flottent. Au centre, un monstre les dévore, et sur la partie gauche, des petits personnages représentés en ombres chinoises se dirigent vers un personnage plus imposant : le Christ, où Dieu lui-même assis, qui leur tend la main devant un château qui doit représenter la Jérusalem céleste.
Bien qu’un peu endommagée cette scène reste très lisible et ne manque pas d’intérêt.
Sur l’intérieur du cul de four était représenté un Christ pantocrator, entouré de deux anges, et du registre des quatre évangélistes. Cette scène est aujourd’hui en grande partie détruite et seul subsiste réellement un des deux anges.
Telle est l’histoire que nous racontent les murs, les pierres, la peinture. Mais ici il y a aussi l’histoire des hommes et des femmes, qui, dans le ce lieu, se sont réunis. Pour les jours de deuil et de joie de vivre, pour rendre hommage à leur mort ou célébrer mariages et baptêmes, prier pour qu’il pleuve, prier pour souffrir un peu moins, prier pour arrêter la guerre, entrouvrir une toute petite fenêtre, faire briller un tout petit rayon de lumière, le petit espoir d’une vie meilleure. C’est cela bien sûr qui fait la valeur du patrimoine : c’est cette recette d’alchimiste que nous ont préparé les siècles passés entre un lieu, un monument, et des hommes pour aujourd’hui et pour demain.