Actualités : La grande grève à Laroque d'Olmes en 1926
Mariette Rougé
La grande grève, à Laroque d'Olmes, en 1926
Les femmes à la pointe du combat
Mariette Rougé (d'après le récit de Roger Latour)
Du 10 mars au 29 juillet 1926, un millier d'ouvriers et d'ouvrières du textile de Laroque d'Olmes ont livré quatre longs mois de bataille courageuse pour obtenir de meilleurs salaires.
Trois grosses entreprises les emploient : Ricalens (550), Fonquernie (500), Bertrand et Cabrol (60).
Ils réclament les mêmes tarifs que ceux qu'accordent des entreprises de moindre importance à Lavelanet : 15 % pour le tissage, et de 15 à 40 % pour la filature et les autres catégories. Dans l'Isère et les Ardennes, les mêmes articles sont fabriqués mais les tarifs sont 50 % supérieurs.
Le 13 mars, les manifestants défilent devant les habitations de patrons. Effrayés, ces derniers décident de fuir, chargeant le maire M. Bauzou, de veiller sur leur usine. Le Syndicat ouvrier leur envoie une lettre qui restera sans réponse. Le juge de Paix lance une convocation pour provoquer une entrevue ; seuls deux sur trois répondent.
M. Fonquernie faisant le mort, les ouvriers décident de constituer un « comité de direction » chargé de l'exploitation de l'usine. Mais inquiet, il réapparaît !
 partir du 20 mars vont s'enchaîner des journées de lutte très rude. Dès les premiers jours, les patrons fuient en Espagne. Les grévistes envisageant d'exploiter les usines abandonnées, ils rentrent à toute vitesse à Laroque d'Olmes !
De grandes manifestations regroupent, jour après jour, jusqu'à 2500 personnes, les communes de Lavelanet, Labastide, Léran étant fortement représentées.
La municipalité réactionnaire apporte une aide plus que fictive aux grévistes qui sont heureusement soutenus par les ouvriers et les paysans des environs.
L'une des caractéristiques du combat ouvrier réside dans le rôle joué par les femmes.
Des soupes populaires sont organisées dans une salle de l'hôtel de ville, où l'on prépare jusqu'à 500 repas pour le soir.
Le comité de grève ne néglige rien pour arracher la victoire : l'exode des enfants est organisé vers les communes environnantes. Les patrons essaient d'acheter quelques grévistes : ils proposent 100 francs à ceux qui refuseraient de laisser partir leurs enfants.
Le 27 mai, 1000 personnes attendent l'arrivée des enfants en gare de Pamiers et près de 500 enfants accueillent leurs camarades à Limoux.
Le journal l'Humanité du 12 juillet écrit :
« Ce sont les femmes qui sont véritablement l'âme de la résistance et qui manifestent la plus grande volonté de lutte ; les hommes ne se montrent pas du tout à la hauteur de leur tâche. Hier encore inéduquées, inorganisées, méconnaissant totalement les principes des luttes des classes, elles sont aujourd'hui au premier rang de la bataille. Depuis quatre mois elles vont deux, trois fois par semaine, parcourant toute la région, à vélo, en auto, par le train, pour recueillir l'argent nécessaire à faire bouillir la soupe communiste. Il faut les voir lorsqu'on fait appel aux quêteuses, courir au comité de grève se faire inscrire, boudant si on leur apprend que la liste est close. »
C'est le 8 mai 1926 qu'ont lieu de sérieux incidents.
Les entrepreneurs sont toujours aussi intransigeants, les pourparlers sont rompus.
Deux cents ouvriers et ouvrières, avec à leur tête les délégués CGTU M. Claverie et M. Vandewatine manifestent devant l'usine Ricalens.
Selon les grévistes : « Aucun cri, aucun geste ne justifiait ce qui allait se passer. Soudain, les gendarmes, à cheval, font irruption et chargent ces paisibles ouvriers et ouvrières. »
Version du Préfet « Les manifestants, en jetant des pierres contre les gendarmes et contre un ouvrier qui se rendait au travail, ont envahi la cour de l'établissement. »
Les deux délégués CGTU et six femmes grévistes sont arrêtés.
« Pendant que les femmes sont traînées sur la route, d'autres sont frappées à coup de crosse. La brutalité et l'insolence des policiers atteignent l'extrême limite. » racontent les grévistes.
Évelyne Bertrand, de Laroque d'Olmes, raconte :
« Ma grand-mère Hermance Soula avait 23 ans. Avec ses compagnes de lutte, elle était présente dans la cour de l'usine Ricalens où s'est produit une altercation entre la police et un groupe de deux cents ouvriers qui voulaient s'engager dans la cour. Berthe Almayrac, 26 ans, Rose Garros 40 ans, Séguras, 40 ans, Louise Pousse, 53 ans, Albine Février, 43 ans, ont été accusées d'avoir caillassé les forces de l'ordre à cheval et ont toutes été arrêtées. Marie Rivière, mineure, a été relâchée. Les deux délégués syndicaux Claverie et Vandewatyne voulant les protéger sont aussi arrêtés. Ils seront tous conduits à la prison de Pamiers et incarcérés du 10 au 20 mai. »
C'est le 5 juin qu'ils comparaissent devant le tribunal correctionnel. De nombreux ouvriers assistent à l'audience. Les femmes témoignent des violences dont elles on été victimes, traînées par les cheveux, leurs habits ont été déchirés.
Les deux délégués ont, quant à eux, évité des incidents plus graves en s'interposant entre les femmes et les gendarmes.
Le procureur rejette toutes les fautes sur les grévistes et requiert des peines sévères contre les deux accusés.
Le verdict délivré le 9 juin condamne les ouvrières à des jours de prison avec sursis et une amende de 10 à 25 francs.
Les syndicalistes écopent de 4 mois de prison et 100 francs d'amende.
Dans l'Humanité du 12 juillet on pouvait lire :
« Les femmes acceptèrent le verdict en gardant une attitude digne, elles acceptèrent le verdict sans sourciller et se déclarèrent crânement prêtes à recommencer. Au moindre petit incident on les voyait accourir les poings crispés, la rage au cœur. Tous les soirs, c'est vers les usines qu'elles dirigent leurs pas dans l'unique but d'épier l'équipe Barreyra pour venir renseigner le comité de grève. »
« Que ceux qui prétendent que la femme n'a pas sa place dans la bataille sociale, que ceux qui ont encore des préjugés sur son rôle dans la société regardent cet exemple. Âmes de la résistance, lutteuses intrépides, conscientes de leur devoir de classe, telles sont les ouvrières de Laroque. Une telle énergie, de tels efforts ne doivent pas avoir été dépensés en vain. » écrivait Lacan.
Le 29 juillet, après quatre mois de lutte, les travailleurs du textile de Laroque d'Olmes obtiennent satisfaction . Elle se termine par un succès qui aura de grandes répercussions dans tout ce coin d'Ariège où ils étaient honteusement exploités.
« Forts de leurs droits, les travailleurs fortement unis, ont poursuivi la lutte dans le calme parfait.Impressionné par la volonté de vaincre des ouvriers du textile, le patronat avait cédé. »
Ils obtiennent l'application immédiate de l'augmentation accordée aux travailleurs de Lavelanet et à partir du 1er septembre, l'application de l'échelle mobile. Cela se traduit par une augmentation de 30 à 40 % de salaire. Le syndicat est, quant à lui, définitivement reconnu par le patronat.
Le 10 septembre, Vandewatyne et Claverie sont libérés et accueillis à Laroque par les enfants chantant des couplets révolutionnaires.
Le 15 septembre, un important meeting a lieu à Lavelanet pour les fêter et pour créer une section de Secours Ouvrier International (SOI).
Les femmes à la pointe du combat
Mariette Rougé (d'après le récit de Roger Latour)
Du 10 mars au 29 juillet 1926, un millier d'ouvriers et d'ouvrières du textile de Laroque d'Olmes ont livré quatre longs mois de bataille courageuse pour obtenir de meilleurs salaires.
Trois grosses entreprises les emploient : Ricalens (550), Fonquernie (500), Bertrand et Cabrol (60).
Ils réclament les mêmes tarifs que ceux qu'accordent des entreprises de moindre importance à Lavelanet : 15 % pour le tissage, et de 15 à 40 % pour la filature et les autres catégories. Dans l'Isère et les Ardennes, les mêmes articles sont fabriqués mais les tarifs sont 50 % supérieurs.
Le 13 mars, les manifestants défilent devant les habitations de patrons. Effrayés, ces derniers décident de fuir, chargeant le maire M. Bauzou, de veiller sur leur usine. Le Syndicat ouvrier leur envoie une lettre qui restera sans réponse. Le juge de Paix lance une convocation pour provoquer une entrevue ; seuls deux sur trois répondent.
M. Fonquernie faisant le mort, les ouvriers décident de constituer un « comité de direction » chargé de l'exploitation de l'usine. Mais inquiet, il réapparaît !
 partir du 20 mars vont s'enchaîner des journées de lutte très rude. Dès les premiers jours, les patrons fuient en Espagne. Les grévistes envisageant d'exploiter les usines abandonnées, ils rentrent à toute vitesse à Laroque d'Olmes !
De grandes manifestations regroupent, jour après jour, jusqu'à 2500 personnes, les communes de Lavelanet, Labastide, Léran étant fortement représentées.
La municipalité réactionnaire apporte une aide plus que fictive aux grévistes qui sont heureusement soutenus par les ouvriers et les paysans des environs.
L'une des caractéristiques du combat ouvrier réside dans le rôle joué par les femmes.
Des soupes populaires sont organisées dans une salle de l'hôtel de ville, où l'on prépare jusqu'à 500 repas pour le soir.
Le comité de grève ne néglige rien pour arracher la victoire : l'exode des enfants est organisé vers les communes environnantes. Les patrons essaient d'acheter quelques grévistes : ils proposent 100 francs à ceux qui refuseraient de laisser partir leurs enfants.
Le 27 mai, 1000 personnes attendent l'arrivée des enfants en gare de Pamiers et près de 500 enfants accueillent leurs camarades à Limoux.
Le journal l'Humanité du 12 juillet écrit :
« Ce sont les femmes qui sont véritablement l'âme de la résistance et qui manifestent la plus grande volonté de lutte ; les hommes ne se montrent pas du tout à la hauteur de leur tâche. Hier encore inéduquées, inorganisées, méconnaissant totalement les principes des luttes des classes, elles sont aujourd'hui au premier rang de la bataille. Depuis quatre mois elles vont deux, trois fois par semaine, parcourant toute la région, à vélo, en auto, par le train, pour recueillir l'argent nécessaire à faire bouillir la soupe communiste. Il faut les voir lorsqu'on fait appel aux quêteuses, courir au comité de grève se faire inscrire, boudant si on leur apprend que la liste est close. »
C'est le 8 mai 1926 qu'ont lieu de sérieux incidents.
Les entrepreneurs sont toujours aussi intransigeants, les pourparlers sont rompus.
Deux cents ouvriers et ouvrières, avec à leur tête les délégués CGTU M. Claverie et M. Vandewatine manifestent devant l'usine Ricalens.
Selon les grévistes : « Aucun cri, aucun geste ne justifiait ce qui allait se passer. Soudain, les gendarmes, à cheval, font irruption et chargent ces paisibles ouvriers et ouvrières. »
Version du Préfet « Les manifestants, en jetant des pierres contre les gendarmes et contre un ouvrier qui se rendait au travail, ont envahi la cour de l'établissement. »
Les deux délégués CGTU et six femmes grévistes sont arrêtés.
« Pendant que les femmes sont traînées sur la route, d'autres sont frappées à coup de crosse. La brutalité et l'insolence des policiers atteignent l'extrême limite. » racontent les grévistes.
Évelyne Bertrand, de Laroque d'Olmes, raconte :
« Ma grand-mère Hermance Soula avait 23 ans. Avec ses compagnes de lutte, elle était présente dans la cour de l'usine Ricalens où s'est produit une altercation entre la police et un groupe de deux cents ouvriers qui voulaient s'engager dans la cour. Berthe Almayrac, 26 ans, Rose Garros 40 ans, Séguras, 40 ans, Louise Pousse, 53 ans, Albine Février, 43 ans, ont été accusées d'avoir caillassé les forces de l'ordre à cheval et ont toutes été arrêtées. Marie Rivière, mineure, a été relâchée. Les deux délégués syndicaux Claverie et Vandewatyne voulant les protéger sont aussi arrêtés. Ils seront tous conduits à la prison de Pamiers et incarcérés du 10 au 20 mai. »
C'est le 5 juin qu'ils comparaissent devant le tribunal correctionnel. De nombreux ouvriers assistent à l'audience. Les femmes témoignent des violences dont elles on été victimes, traînées par les cheveux, leurs habits ont été déchirés.
Les deux délégués ont, quant à eux, évité des incidents plus graves en s'interposant entre les femmes et les gendarmes.
Le procureur rejette toutes les fautes sur les grévistes et requiert des peines sévères contre les deux accusés.
Le verdict délivré le 9 juin condamne les ouvrières à des jours de prison avec sursis et une amende de 10 à 25 francs.
Les syndicalistes écopent de 4 mois de prison et 100 francs d'amende.
Dans l'Humanité du 12 juillet on pouvait lire :
« Les femmes acceptèrent le verdict en gardant une attitude digne, elles acceptèrent le verdict sans sourciller et se déclarèrent crânement prêtes à recommencer. Au moindre petit incident on les voyait accourir les poings crispés, la rage au cœur. Tous les soirs, c'est vers les usines qu'elles dirigent leurs pas dans l'unique but d'épier l'équipe Barreyra pour venir renseigner le comité de grève. »
« Que ceux qui prétendent que la femme n'a pas sa place dans la bataille sociale, que ceux qui ont encore des préjugés sur son rôle dans la société regardent cet exemple. Âmes de la résistance, lutteuses intrépides, conscientes de leur devoir de classe, telles sont les ouvrières de Laroque. Une telle énergie, de tels efforts ne doivent pas avoir été dépensés en vain. » écrivait Lacan.
Le 29 juillet, après quatre mois de lutte, les travailleurs du textile de Laroque d'Olmes obtiennent satisfaction . Elle se termine par un succès qui aura de grandes répercussions dans tout ce coin d'Ariège où ils étaient honteusement exploités.
« Forts de leurs droits, les travailleurs fortement unis, ont poursuivi la lutte dans le calme parfait.Impressionné par la volonté de vaincre des ouvriers du textile, le patronat avait cédé. »
Ils obtiennent l'application immédiate de l'augmentation accordée aux travailleurs de Lavelanet et à partir du 1er septembre, l'application de l'échelle mobile. Cela se traduit par une augmentation de 30 à 40 % de salaire. Le syndicat est, quant à lui, définitivement reconnu par le patronat.
Le 10 septembre, Vandewatyne et Claverie sont libérés et accueillis à Laroque par les enfants chantant des couplets révolutionnaires.
Le 15 septembre, un important meeting a lieu à Lavelanet pour les fêter et pour créer une section de Secours Ouvrier International (SOI).
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